14h30-16h30 > L'invention de l'État par les marges : une étude basée sur la question de l'illégalismeL'invention de l'État par les marges : une étude basée sur la question de l'illégalismemer 12 juil 23
Résumé : Ce projet de recherche a pour objectif de décrire de manière schématisée les changements actuels qui traversent les rapports entre l’État et les marges et qui sont aux fondements de la dimension politique de la vie sociale en Tunisie. Et ce au travers de la question des illégalismes qui permet de reprendre les manières par lesquelles l’État gouverne et gère les pratiques dites illicites. Nous interrogeons ici les processus sociaux et les dynamiques qui favorisent l’extension massive de certaines pratiques illégales qui confèrent une certaine légitimité dans les marges. Par l’étude de deux pratiques économiques, associées à une forme d’illégalisme, celle de l’appropriation illégale des espaces publics et celle de la vente illicite de l’alcool frelaté, nous chercherons à décrypter larelation entre les dynamiques économiques et structurelles et la question du pouvoir, voire les instruments de contrôle que l’État mobilise pour s’arranger avec les illégalismes. Nous adoptons une approche foucaldienne qui permet de dépasser une vision réductrice de l’État en tant qu’entité administrative rationalisée pour le saisir à partir d’un ensemble de pratiques et d’habitudes quotidiennes. Au-delà d’une remise en question de la définition classique de Max Weber de l’État en tant que « communauté humaine, qui à l’intérieur d’un territoire déterminé (…) revendique pour elle-même et parvient à imposer le monopole de la violence légitime » notre objectif est de développer une analyse de l’État à travers la notion de l’ « illégalisme ». Celle-ci « recouvre l’ensemble des pratiques qui, soit transgressent délibérément, soit contournent ou même détournent la loi » (Gros, 2010, pp. 5 -14). Si les conceptions de l’État au sein des marges sont liées à sa manière de s’arranger avec les illégalismes, celles-ci nous invitent à interroger la question du pouvoir (haybat dawla) dans les marges, non pas en rapport avec ses structures formelles (la bureaucratie), mais plutôt dans son exercice concret au quotidien. Pour mieux aborder les changements qui traversent l’appareil d’État, une attention particulière sera portée aux marges qui représentent la zone grise et les interstices où les normes étatiques sont « parfois appliquées, parfois contournées, parfois assouplies selon les cas concernés » (Aguilera, 2012, pp. 101-124). Aborder la question du pouvoir étatique à partir des marges nous incite à envisager différemment du sens commun ce que nous appelons « marges ». En effet, les marges sont considérées comme « un abri naturel pour des personnes considérées comme insuffisamment socialisées à la loi »(Das & Poole, 2004, pp. 8-9). Dans notre recherche, nous ne chercherons pas à étudier les « marges » comme étant des territoires désertés ou incontrôlés mais plutôt comme « un lieu d’interaction entre deux systèmes, deux organisations ; des phénomènes originaux s’y produisent, qui concernent à la fois des échanges ou des modifications entre l’un et l’autre système » (De Ruffray, 2000, pp. 97-106).Pour cela, nous sommes loin d’opposer le formel et l’informel, le légal et l’illégal, l’officiel et l’officieux, le juste et l’injuste, etc. Nous chercherons plutôt à mettre en évidence la conjonction entre les deux systèmes évoqués et comment cela peut donner naissance à des pratiques « d’arrangements institutionnels ». Dans ce cadre, il est important de comprendre les manières par lesquelles les acteurs s’arrangent avec les institutions publiques et comment ces arrangements se tissent « sous la table » (taht tawla) et sous quels prétextes. Cette situation permet de décrire et de comprendre les formes d’autorité propre aux marges.
Responsable :
Ahmed Aziz guenni, Faculté des sciences Humaines et sociales de Tunis, Faiçal Ghorbali, Université de Liège, Belgique Fouad Ghorbali, Université de Gafsa, Tunisie |
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