8h30-10h30 > Les congrégations étrangères dans la production des périphéries urbaines ottomanes au XIXe siècle : Istanbul, Jérusalem, Mamuret ül-Aziz, Van

Les congrégations étrangères dans la production des périphéries urbaines ottomanes au XIXe siècle : Istanbul, Jérusalem, Mamuret-ül-Aziz, Van

mer 12 juil 23
8h30-10h30
Déméter 006

 

Résumé :

À partir des Tanzimat, les missions chrétiennes – protestantes et catholiques – originaires d’Europe et d’Amérique ont maillé le territoire ottoman et ont fondé de nombreuses institutions scolaires, médicales et charitables, notamment dans les grandes villes de l’Empire. Cet élan évangélisateur européen, de même que les réponses locales de la part des notables de la société ottomane mais aussi de l’administration impériale, ont fait l’objet de nombreux travaux académiques. Plus récemment, plusieurs historiens et historiennes ont adopté une approche novatrice pour aborder l’activité missionnaire, en se concentrant davantage sur sa présence physique au sein du territoire et sur le contexte local dans lequel les congrégations s’insèrent. Dans ce cadre, les acteurs missionnaires apparaissent non seulement comme des agents au service d’intérêts impériaux mais aussi comme des acteurs urbains inscrits dans la vie quotidienne des villes de l’Empire ottoman.  

Ce panel invite à poursuivre cette perspective en offrant quatre cas d’études de périphéries urbaines dans l’espace ottoman qui ont été en partie transformées au XIXe siècle par les congrégations missionnaires. Cette transformation se fait néanmoins en interaction avec les familles de notables et commerçants qui achètent de nombreux terrains périphériques, avec les diplomates européens et fonctionnaires ottomans qui y construisent des villas estivales, mais aussi avec une population urbaine déjà présente ou qui s’installe pour des raisons variées dans ces nouvelles banlieues. 

En intégrant les missions étrangères dans la réflexion, l’enjeu ici n’est pas d’insister sur leur capacité à dominer spatialement ces villes dans une interprétation foucaldienne sommaire mais au contraire d’observer ces acteurs en relation avec leur environnement local. Il s’agit d’observer les pratiques (séjours estivaux, jardinage, refuge en contexte de crise), les logiques de compétition (par exemple entre congrégations), les catégories juridiques (notamment concernant le statut foncier des terrains) et les justifications auprès des autorités (administratives, consulaires et religieuses). C’est l’ensemble de ces éléments qui rend possible la construction d’établissements congréganistes dans les périphéries urbaines et qui permet de comprendre comment ces congrégations sont accueillies par les sociétés locales.

Le choix de ces quatres villes permet, par ailleurs, de déconstruire la dichotomie encore présente dans l'historiographie opposant diamétralement villes-portuaires cosmopolites et villes de l'intérieur. D'une part, il y aurait des villes en profond changement depuis les Tanzimat et les accordes de libre-échange avec les États européens, marquées par le succès commercial des non-musulmans et le régime juridique des Capitulations, et d’autre part des villes qui seraient enclavées et à l’écart les dynamiques économiques internationales et des circulations humaines. Les périphéries urbaines des villes ottomanes offrent, enfin, de nouveaux points d’observation de l’expérience urbaine ottomane fin de siècle. Derrière les établissements éducatifs, hospitaliers et charitables qui se multiplient, la banlieue représente un idéal urbain que cherchent à atteindre de nombreux groupes présents dans la ville. Religieux et laïcs, musulmans, chrétiens et juifs, femmes et hommes, veulent chacun façonner l’espace urbain selon leurs propres valeurs, représentations et trajectoires sociales.

La banlieue n’est cependant pas seulement un environnement compétitif : il existe en effet de nombreuses affinités électives qui transcendent les frontières confessionnelles et de nationalités. Les sources sur ce mouvement d’installation à l’extérieur de la ville permettent aussi d'étudier les discours sur la vie urbaine ottomane fin de siècle. Certains cas montrent par exemple la construction discursive d’opposition entre la « vieille ville » et ses nouvelles banlieues paisibles. La vieille ville reste chargée d’histoire et de prestige religieux pour les congrégations, mais peut aussi être disqualifiée comme le cœur d’une citadinité cosmopolite et immorale qui dépérit. L’étude de l’espace urbain périphérique ottoman coproduit par les missionnaires renouvelle ainsi les questions urbaines essentielles pour l’histoire de la région : la coexistence confessionnelle, les changements environnementaux et infrastructurels et les inégalités économiques. Chaque contribution explorera plus en détail l’ensemble de ces questions, non pas seulement comme cas d’étude monographique, mais en proposant des approches méthodologiques enrichissantes pour l’histoire urbaine ottomane et l’histoire des missions au Moyen-Orient.

Responsable :
Julien Blanc, doctorant et ATER en Histoire contemporaine, Université Gustave Eiffel

 

 

Gabriel Doyle, Teaching Fellow en Histoire, Sciences Po de Reims et docteur en Histoire, EHESS/CETOBac.
Le sayfiye et « l’ordre des choses » : de la villégiature estivale à la construction de banlieues à Istanbul à travers les sources missionnaires (1870-1914)

Mustafa Çelebi, doctorant en Urbanisme, Université Grenoble Alpes/ ENSA Grenoble, LabEx AE&CC. 
De la banlieue pavillonnaire au centre-ville moderne : les effets des missions occidentales sur l’urbanisation et la vie quotidienne de la ville de Van pendant le XIXe siècle et jusqu’à 1914

Matthieu Gosse, doctorant en Histoire contemporaine, Université Gustave Eiffel, Laboratoire ACP et chercheur associé, IFEA-Istanbul.
Complexes missionnaires catholiques et protestants aux périphéries de Mamuret-ül-Aziz / Harput : stratégies de localisation, stratégies d'intégration dans une agglomération bipolaire (second XIXe siècle)

Julien Blanc, doctorant et ATER en Histoire contemporaine, Université Gustave Eiffel.
“Jérusalem hors les murs”. L’activité missionnaire dans le développement urbain de la Ville Sainte et de ses faubourgs : le cas des implantations de l’Œuvre Notre Dame de Sion (second XIXe siècle)

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