Dans une déclaration du ministre de la Communication F. Altun, on lit que le Centre de gestion de crise et de communication stratégique (Stratejik İletişim ve Kriz Yönetimi Dairesi Başkanlığı) créé en 2020 dans le giron de la Direction de la communication de la présidence (Cumhurbaşkanlığı İletişim Başkanlığı) a la responsabilité d'« agir contre les opérations de perceptions, de propagande et d’attaque psychologique menées contre la République de Turquie, appliquer des mesures préventives en identifiant les éléments de menace intérieure et extérieure, et appuyer les objectifs de l’État en période de crise, de catastrophe naturelle ou d’état d’urgence ».

Le message est clair et les mots sont dits : la Turquie serait la cible d’attaques. Tous les moyens sont alors mobilisés pour diffuser la rhétorique officielle et présenter le monde social tel qu’il est envisagé par le pouvoir, avec ses hiérarchies et ses principes. Or, la dernière décennie est marquée en Turquie, et dans la région, par les soubresauts de la crise syrienne : arrivée et installation de la population syrienne, attentats terroristes, reprise de la guerre dans le sud-est, ...autant d’événements qui ont précipité le débat public dans l’urgence et l’impératif d’agir. À cela s'ajoutent, à partir de 2015, une série d'attentats terroristes et la tentative de coup d'État du 15 juillet 2016, autant d'éléments qui justifient la mise en place d’un dispositif sécuritaire d'exception. Des discours prononcés par la classe dirigeante, aux purges et procès judiciaires qui touchent une large partie de la sphère publique turque, le pays forge une nouvelle doctrine de sécurité. Sans volonté d’exceptionnaliser la Turquie qui s’inscrit finalement dans un mouvement global de sécuritisation du débat public où tous les enjeux sont abordés par le prisme des questions sécuritaires, il s’agit dans ce panel d’aborder les spécificités de la fabrique de la question sécuritaire dans l’audiovisuel turc. En tant que chercheuses en études politiques et sciences de l’information et de la communication, nous envisageons de montrer, à partir d’une analyse du secteur de l’audiovisuel en Turquie, comment et par quels outils médiatiques l’actuel gouvernement turc promulgue et légitime une nouvelle doctrine sécuritaire.

À travers l’appropriation de différentes méthodologies et différents corpus relevant de la diversité de nos formations, cette communication interdisciplinaire envisage de dévoiler les stratégies représentatives mises en œuvre, en Turquie, pour fabriquer et vulgariser un discours nationaliste centré sur la question de la sécurité. S’inscrivant dans la perspective transversale qui combine les sciences politiques, les sciences de l’information et de la communication et la sociologie du cinéma, cette communication interroge le pouvoir performatif des images au sein des sphères politiques et sociales pour montrer comment et par quels outils médiatiques se fabrique le discours sécuritaire. L ’appropriation de différentes méthodologies relevant de la diversité de nos formations apparai t ici comme un élément qui vise, entre autres, à (re)valoriser l’objet filmique dans l’étude du politique et du social – cela, tout en prenant conscience de l’éphémère, qui caractérise les plateformes de diffusion numérique, et de la diversité des corpus ethnographiques qui en découle.

Responsable:
Ece Nirun, EHESS/CETOBaC, IFEA

Discutante :
Juliette Dumas, Aix-Marseille Université - IREMAM

Solène Poyraz, EHESS /CETOBaC, IFEA
La série Teşkilat : le pouvoir des séries au service du pouvoir

Ludovica Tua, Université de Toulouse – LERASS, IREMAM
Le Sultan encerclé, la nation en danger : pour un décryptage de la figure de l’« ennemi » dans la fiction nationaliste turque

Ece Nirun, EHESS /CETOBaC, IFEA
La guerre à portée d’images : Euphémisation et mise en scène du combat et de la mort dans les vidéos de propagande de la présidence turque

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